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"Internet, géographie d'un réseau"
Gabriel Dupuy

Gabriel Dupuy, Internet, géographie d'un réseau, Ed. Ellipses, Paris, 2002, 160 p. 14 €

[Table des matières]


Introduction

Trois cent cinquante millions d'internautes, plus d'e-mails échangés chaque jour que de lettres envoyés par le courrier postal, plus d'un milliard de pages accessibles au public par le Web, ces chiffres étonnent. Le phénomène Internet, inconnu en France il y a dix ans, concerne aujourd'hui presque tous les pays du monde, des plus riches aux plus pauvres. Cette extension planétaire fascine. On en vient à penser qu'Internet est l'outil d'une grande révolution informationnelle qui serait en même temps une révolution géographique.

Il existe en effet une représentation mythique d'Internet. Pure construction de l'esprit, le mythe a un nom : cyberspace. Le terme, créé en 1984 par le romancier William Gibson, désigne un espace "digital", "navigable", constitué d'un réseau d'ordinateurs accessibles par des consoles. Il évoque une topographie déroutante, des itinéraires abstraits. Par là même, il semble impliquer une défiance à l'égard de la géographie "ordinaire". Exalté par les figures virtuelles du cyberspace, Internet serait pour ainsi dire dé-géographisé. Les lieux, les régions, les pays, les villes, les campagnes, les frontières, les déserts, seraient surpassés par de nouveaux repères informationnels, par des codes de "naviagation" inusités.

Sans nier le rythme inédit du développement du réseau ni la dimension symbolique qui explique une part de son succès, ce livre s'efforcera de replacer Internet dans l'espace familier, celui des géographes certes, mais aussi celui des gouvernements, des collectivités locales et territoriales, celui des aménageurs et des urbanistes.

Il est vrai qu'Internet est peu visible dans cet espace-là, même si les acteurs locaux pressentent son importance. Mais beaucoup de réseaux historiques ne sont guère visibles. Que voyons-nous d'un réseau d'eau potable ? Que connaissaons-nous de la géographie d'un réseau électrique ? A mieux y regarder, Internet n'est pas moins visible dans le paysage : quelques panneaux publicitaires vantant tel site, tel opérateur ou tel fournisseur d'accès ; des antennes ici ou là dont on imagine qu'elles émettent ou reçoivent des informations venues de loin ; une tranchée dans laquelle une machien déroule avec précaution un câble qu'on suppose contenir des fibres de verre ; un cybercafé. On essaiera dans ce qui suit de rendre plus perceptible ce réseau, de montrer qu'il comporte nombre d'éléments matériels en des lieux précis.

Le mythe Internet est entretenu par des données incertaines et des figures ambiguës. En 2000, 3% des habitants de le Thaïlande étaient connectés à Internet. Deux ns plus tôt 2,4% seulement des foyers français étaient connectés. Ces deux chiffres trouvés dans la presse sont-ils comparables ? Qu'est-ce qu'un "foyer", un "habitant" "connecté" ? La Chine comptait en 2000 22,5 millions d'internautes. Qu'est-ce qu'un "internaute" ? Une enquête américaine de 1999 révèle que les "internautes" passent 43% de leur temps de connexion à des activités de communication, essentiellement le courrier électronique. Cette communication est le plus souvent locale. Pour le reste, il s'agit de consultations de sites. Mais la moitié des sites du Web ne sont pas repérables sur une carte géographique à partir de leurs adresses. Faut-il en retenir qu'Internet fonctionne à l'échelle locale, à l'échelle mondiale, ou dans un cyberspace qui nécessite de revoir les échelles et la cartographie ? De fait, on ne compte plus les tentatives de cartographie du cyberspace. Certaines révèlent surtout un souci esthétisant, bien loin des préoccupations légitimes suscitées chez les responsables territoriaux par le développement et les effets d'Internet.

Ce livre s'attache à préciser le sens des données et de leur évolution. Il privilégie des représentations cartographiques pertinentes pour le géographe et le décideur.

Le cyberspace évoque l'idée d'une navigation. Il faudrait plutôt parler de pilotage automatique. L'affichage d'une destination ou même le simple clic amène à un port dont on ressort en affichant une autre destination ou en effectuant un autre clic. Entre la commande et le résultat, l'automatisme est de rigueur. Cette automaticité, merveilleuse il est vrai, n'est pourtant pas l'apanage d'Internet. La plupart des réseaux classiques mettent en oeuvre des automatismes. A Paris, il suffit au conducteur de métro d'appuyer sur le bouton qui ferme les portes avant le départ pour déclencher toute la séquence des opérations : démarrage, régulation de la vitesse entre stations, freinage, arrêt à la station suivante, ouverture des portes. Tout cela se réalise sans intervention humaine. Dans un réseau électrique, le fait d'appuyer sur un interrupteur suffit, par un enchaînement d'automatismes, du transformateur jusqu'à la centrale nucléaire, et retour, à fournir l'électricité qui allume l'ampoule. Ces automatismes sont facilités et généralisés par l'informatique : l'ordinateur, là où il se trouve, réagit en commandant la suite de la chaîne d'instructions conformément à un programme défini. Mais les possibilités de transmissions inhérentes à Internet font que les automatismes peuvent agir à différentes échelles géographiques : du local (à l'intérieur de l'ordinateur ou du réseau local) au mondial (un adressage électronique). Il importe donc de bien identifier les lieux par où passent ces boucles d'automatismes, de repérer leurs longueurs, de définir en un mot les échelles réelles d'opérations. C'est un des axes importants de ce livre.

Le premier chapitre sera naturellement consacré à l'histoire d'Internet. Il s'agit d'un réseau récent mais son histoire est riche. Elle peut être racontée différemment selon que l'on met en avant le rôle prééminent des États-Unis ou que l'on prend aussi en compte les apports singuliers de nombreux autres pays du monde.

Le second chapitre est intitulé "Opérations et opérateurs". Il montre qu'Internet fonctionne comme un grand marché avec des producteurs et des consommateurs, marché auquel manque l'unité de lieu. Le réseau propose des techniques d'intermédiation, de transmission et de commutation notamment. Grâce à des techniques, le marché est pris en charge par des intermédiaires agissant à différentes échelles géographiques et selon différentes logiques.

Sur Internet, l'information suit des chemins. Quelles sont les origines, les destinations ? Quels sont les points de passages intermédiaires ? Où sont-ils situés ? Où sont les flux importants ? Quels sont les noeuds du réseau Internet ? Répondre à ces questions est l'objet du troisième chapitre, "Itinéraires".

Le quatrième chapitre est intitulé "Réseaux". En tant que réseau et même, dit-on souvent, réseau de réseaux, Internet peut être analysé avec la même approche que d'autres réseaux déjà bien connus. On présentera donc la morphologie et la topologie du réseau, son organisation industrielle, les externalités positives et négatives dont il est le siège et les effets géographiques de ces grandes caractéristiques.

"Centres et périphéries" est la matière du cinquième chapitre. Internet est inégalement réparti dans le monde. La géographie mondiale du réseau fait apparaître des centres auxquels s'opposent des périphéries. Ce qui est vrai à l'échelle mondiale l'est encore à l'échelle des nations et même à des échelles plus fines. Quels facteurs rendent compte de cette situation alors qu'Internet semble avoir une vocation de couverture universelle ?

Internet est-il le premier réseau sans frontières ? Dans un preier temps les frontières nationales semblent avoir été subverties. Mais les États s'organisent, légifèrent. D'autres frontières apparaissent : barrières linguistiques, culturelles, technologiques, économiques. Comment ces frontières sont-elles tracées, contrôlées ? Quelle partition du monde dessinent-elles ? Le sixième chapitre, "Frontières", essaiera de répondre à ces questions.

De quoi sera fait l'avenir d'Internet ? Entre les prévisions optimistes d'un développement harmonieusement réparti au profitd'une démocratie universelle et la vision apocalyptique d'une gigantesque "poubelle" numérique congestionnée et accaparée par les grandes puissance, la prospective se cherche. Le dernier chapitre, "Nouvelles donnes et aménagement", fait le point sur les avancées technologiques, sur l'apparition de nouveaux acteurs (et la disparition de certains autres), sur la mise en place de nouvelles formes de régulation et d'aménagement du réseau. Quelles en seront les conséquences géographiques ?

Reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur.

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Responsable du projet :
Annie Chéneau-Loquay
Directrice de recherche CNRS
CEAN (UMR CNRS-IEP)
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F- 33607 PESSAC CEDEX
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